Plan d’action pour des normes tenant compte des questions de genre et l’équilibre des genres dans l’élaboration des normes
Tour d’horizon
Les normes ne sont pas impartiales. Cette opinion est tellement répandue qu’elle a été exprimée par des organismes nationaux de normalisation, comme le Conseil canadien des normes (CCN), et des professionnels de divers domaines, dont la médecine et la comptabilité. Les normes sont modelées par ceux et celles qui les élaborent. Les échanges sur la non-neutralité des normes ont tendance à porter essentiellement sur les avantages (ou les inconvénients) potentiels pour les secteurs d’activité et les entreprises.
Par le passé, on se souciait peu des attributs personnels des auteurs de normes et des conséquences qu’ils pouvaient entraîner. Le milieu de la normalisation est composé majoritairement d’hommes. Si les normes ne sont jamais entièrement impartiales, quelles sont les répercussions de la dominance masculine sur les femmes?
Partout dans le monde, on s’accorde de plus en plus à dire qu’une norme n’est pas forcément reçue de la même façon par les hommes et par les femmes. C’est ce constat qui a incité la Commission économique des Nations Unies pour l’Europe (CEE-ONU) à rédiger la Déclaration sur les normes et l’élaboration des normes tenant compte des questions de genre, que le CCN, de concert avec plus de 50 organismes de normalisation régionaux, nationaux et internationaux, a signée le 14 mai 2019. La déclaration exhorte les organismes concernés à prendre acte du rôle omniprésent et influent que jouent les normes dans la société, et à déployer un plan d’action pour favoriser l’égalité des genres et développer les savoir-faire. Le présent document décrit la stratégie et le plan de travail adoptés par le CCN pour s’acquitter de ses obligations aux termes de la déclaration.
État des lieux
Les inégalités coûtent cher. D’après le McKinsey Global Institute, si le fossé entre les genres était entièrement comblé, l’économie mondiale pourrait gagner 28 billions de dollars à l’horizon 2025 . Lorsqu’il est question de la féminisation de la population active, la normalisation est un secteur qui est souvent négligé. À tort, car les normes sont liées à l’augmentation de la productivité du travail et à la croissance économique.
L’Organisation internationale de normalisation (ISO) estime que les femmes représentent entre 20 % et 25 % des participants de ses travaux normatifs. À la Commission électrotechnique internationale (IEC), ce chiffre est plutôt de 14 %, mais vu qu’il repose sur des données incomplètes, il pourrait être révisé. Le Canada, sauf erreur, est l’un des premiers pays à quantifier la présence des femmes au sein de ses comités parallèles aux comités de l’ISO et de l’IEC. À l’heure actuelle, celles-ci représentent 25 % des membres des comités parallèles de l’ISO et 9 % des membres de ceux de l’IEC, alors qu’elles constituent 47 % de la population active canadienne.
S’il ne fait pas de doute que les femmes sont sous-représentées dans le milieu de la normalisation, les répercussions, elles, ne sont pas aussi claires. Le CCN compte donc mettre en œuvre un plan de travail sur la normalisation adaptée aux genres pour que le Canada puisse cerner les causes et les conséquences du fossé entre les genres dans le secteur et aborder le problème.
La stratégie du CCN repose sur les principes de l’analyse comparative entre les sexes plus (ACS+). L’ACS+ est un outil analytique qui sert à examiner les facteurs identitaires (le sexe, le genre, la race, la religion, l’origine ethnique, l’âge et le handicap physique ou intellectuel) pour éclairer la prise de mesures qui favorisent l’égalité. Dans le cadre de son plan d’entreprise, le CCN rend compte de ses initiatives liées à l’ACS+ au Secrétariat du Conseil du Trésor. Il s’emploie aussi à mettre en œuvre un programme d’équité en matière d’emploi pour revoir ses politiques et pratiques à cet égard. Les mesures que prendra le CCN l’aideront certainement à remplir les obligations découlant de l’ACS+. Cela dit, le CCN entend axer son action sur le genre à l’instar d’autres organismes et aligner sa stratégie sur celles déployées à l’international.
Stratégie et plan de travail
Le CCN aspire à être un vecteur de changements. En effet, par son rôle d’organisme de normalisation national à la tête du Comité national du Canada et ses efforts de collaboration et de leadership sur la scène internationale, il entend mener une action importante dans l’intérêt du Canada pour améliorer la représentation féminine dans la normalisation et aligner ses programmes et politiques sur l’objectif d’élaboration de normes tenant compte des questions de genre. Sa stratégie et son plan de travail s’articulent autour de trois grands axes :
- Améliorer la représentation des genres dans l’élaboration des normes. Le CCN analysera l’équilibre entre les sexes dans ses comités parallèles pour cerner les lacunes. Il comparera les résultats obtenus aux données démographiques sur le marché du travail pour se fixer des objectifs réalisables.
- Intégrer une expertise sur les spécificités de genre au système de normalisation par l’intermédiaire de lignes directrices qui décriront des moyens efficaces de tenir compte de l’égalité des sexes dans l’élaboration des normes. Le résultat souhaité est un système de normalisation volontaire tenant mieux compte des questions de genre et des normes plus pertinentes et efficaces. Le CCN compte collaborer avec les organismes d’élaboration de normes (OEN) titulaires de son accréditation et avec les membres du réseau de normalisation canadien pour que les lignes directrices soient réalisables.
- Mener des efforts de recherche sérieux pour donner des impulsions dans ce nouveau domaine de la normalisation. Actuellement, la recherche et les publications se penchent peu sur les répercussions du genre sur les normes. En menant des études et des analyses sérieuses sur la question, CCN pourra façonner l’avenir des politiques et stratégies en matière de genre d’autres organismes de normalisation.
Participation des intervenants
Pour que sa stratégie aboutisse, le CCN aura besoin d’alliés. Il s’associera aux principaux adhérents du réseau de normalisation canadien et aux autres militants de la cause. En particulier, les OEN titulaires de son accréditation, acteurs de la normalisation canadienne, auront un rôle important à jouer. Pour donner le coup d’envoi, le Comité consultatif des organismes d’élaboration de normes (CCOEN) du CCN organisera une séance thématique sur la normalisation adaptée aux genres pour faire le point sur les travaux menés et dégager les perspectives de croissance et de collaboration.
Le CCN compte aussi faire valoir et soutenir les initiatives en faveur de l’égalité entre les genres menées par d’autres organismes du domaine, dont Affaires mondiales Canada (AMC), la Commission économique des Nations Unies pour l’Europe (CEE-ONU), l’Association Réseau Normalisation et Francophonie (RNF), l’Organisation internationale de normalisation (ISO) et l’Asia-Pacific Economic Cooperation (APEC). Dans la mesure du possible, le CCN s’emploiera à coopérer durablement avec ces organismes.
Suites à donner
La stratégie et le plan de travail soulignent la volonté du CCN de bâtir un système de normalisation équitable et ouvert à tous, à l’appui de l’égalité des genres. Le plan actuel s’étend sur cinq ans, à savoir de 2019-2020 à 2024-2025. La stratégie sera révisée et corrigée au besoin au moins une fois par an. Le plan de travail sera mis à jour en fonction des progrès accomplis quand l’occasion se présentera.
Précisons que cet enjeu et les moyens à la disposition du CCN pour favoriser l’égalité des genres en tant qu’organisme de normalisation national ne sont encore qu’au stade embryonnaire. Cette stratégie vise donc avant tout à faire progresser connaissances et capacités, à creuser davantage le sujet pour mieux éclairer les politiques et les procédures, et à travailler main dans la main avec les acteurs concernés.
À la une
Notes en fin de texte
- Peter Croft et Mark Porcheret, « Standardised consultations in primary care ». BMJ, 2009, vol. 338. doi : https://doi.org/10.1136/bmj.b152.
- Peter Collett, « Standard setting and economic consequences: an ethical issue », Abacus, vol. 31, no 1, 1995, p. 18-30.
- CEE-ONU, « La CEE-ONU et plus d’une cinquantaine d’organismes de normalisation signent la Déclaration sur les normes et l’élaboration des normes tenant compte des questions de genre », 14 mai 2019. Sur Internet : http://www.unece.org/fr/info/media/presscurrent-press-h/trade/2019/unece-and-over-50-standards-bodies-sign-declaration-on-gender-responsive-standards/doc.html.
- Jonathan Woetzel et coll., The Power of Parity: How Advancing Women’s Equality can add $12 trillion to Global Growth, McKinsey Global Institute, 2015.
- Conference Board du Canada, L’harmonisation à l’œuvre. Influence des normes sur la productivité et la croissance du Canada, Conseil canadien des normes, octobre 2015. Sur Internet : https://www.scc.ca/fr/about-scc/publications/general/lharmonisation-a-loeuvre-influence-des-normes-sur-la-productivite-et-la-croissance-du-canada [consulté le 28 septembre].
- https://www.unece.org/fileadmin/DAM/trade/wp6/AreasOfWork/GenderInitiative/Minutes_from_the_May_10_Gender_Group_call.pdf
- Ibid.
- Statistique Canada, Enquête sur la population active, tableau CANSIM 282-0002 et totalisations personnalisées.