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La mauvaise humeur contagieuse de monsieur Corbeau

Gros plan sur la tête d'un grand corbeau.
La tête d'un grand corbeau. Photo: Université de Vienne
Radio-Canada

Le grand corbeau (Corvus corax) perçoit et partage les émotions négatives de ses congénères et pas celles qui sont positives, révèlent les observations de scientifiques autrichiens.

On savait que les corbeaux sont des oiseaux très intelligents à la mémoire exceptionnelle, mais les présents travaux montrent aujourd’hui qu’ils possèdent également une intelligence sociale très développée.

Des observations précédentes semblaient montrer que le grand corbeau est capable d’empathie. Des oiseaux ont été vus adoptant des comportements ressemblant à de la consolation vis-à-vis d’autres individus en détresse.

Dans les présents travaux, les scientifiques Thomas Bugnyar et Jessie Adriaense, de l’Université de Vienne, se sont penchés sur un élément constitutif de l'empathie, à savoir si ces animaux sont capables de partager leurs émotions.

L’émotion contagieuse

Pour bien évoluer dans un groupe social, les animaux recueillent donc des informations sur l’état émotif des uns et des autres.

Le transfert des émotions d'un individu émetteur vers un individu récepteur est connu chez les humains sous le nom de contagion émotionnelle.

Cette contagion n’est ni tout à fait de l'empathie ni de la sympathie, mais elle est plutôt influencée par deux facteurs principaux : l'intensité avec laquelle les émotions sont exprimées par l’émetteur, et l'attention et l'importance accordées par le récepteur.

Or, si la contagion est un phénomène observable chez les humains, elle est beaucoup plus difficile à mesurer chez les animaux.

C’est le pari que se sont donné les auteurs de ces travaux publiés dans la revue PNAS (Nouvelle fenêtre) (en anglais).

L’expérience du biais cognitif

Dans la première partie de leur expérience, les chercheurs ont voulu observer les réactions – positives ou négatives – des corbeaux à un stimulus neutre. Ce test de biais cognitif est utilisé sur une grande variété d'autres animaux.

Huit oiseaux, placés par deux, ont d'abord eu le choix entre une boîte contenant un morceau de fromage et une boîte vide. Une fois que les oiseaux ont appris l'emplacement de chaque option, les chercheurs leur ont donné une troisième boîte qui n'avait pas été utilisée pendant leur formation. Le fait qu'un oiseau ait agi comme s'il s'agissait d'une tromperie ou d'une gâterie indique un biais cognitif, interprété comme du pessimisme ou de l'optimisme.

Dans une deuxième partie, l’un des deux oiseaux d'une paire s'est vu offrir à la fois des carottes crues peu appétissantes et de la nourriture séchée pour chiens plus savoureuse. On leur a ensuite retiré l’une d’elles.

Les oiseaux laissés avec la gâterie bougeaient la tête et le corps pendant qu'ils l'étudiaient, tandis que ceux qui recevaient les carottes semblaient plus grincheux, passant moins de temps à s'occuper des légumes, et leur donnaient parfois des coups de patte. Ils passaient même du temps à se toiletter.

L'autre oiseau de chaque paire assistait à ces événements à partir d'un compartiment séparé, sans être en mesure de voir le travail de recherche de son partenaire ou la nourriture qu'il a reçue.

Puis, dans une troisième partie, les corbeaux ont effectué à nouveau le test de biais cognitif de la première partie. Cette fois-ci, les oiseaux observateurs qui avaient vu le bonheur de leur partenaire ont montré en moyenne le même niveau d'intérêt dans leur propre boîte neutre qu'auparavant.

Mais ceux qui avaient vu leur partenaire réagir négativement ont mis plus de deux fois plus de temps à s'approcher de la boîte neutre.

Selon les chercheurs, ce moindre intérêt des oiseaux observateurs a été en quelque sorte influencé par la déception apparente de leur partenaire.

Les résultats montrent ainsi, selon eux, que les réactions négatives étaient plus contagieuses, et que les réactions positives ne l'étaient pas.

Cette réalité pourrait s'expliquer par le fait que les réactions négatives sont plus faciles à observer, et que les animaux s'intéressent davantage à l'information négative dans leur environnement naturel dans un objectif de survie.

Quoi qu’il en soit, cette étude est l'une des premières à avoir recours à un test de biais cognitif pour examiner les émotions et le comportement social des corbeaux.

Biologie

Science