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Image : Collage artistique futuriste de certaines technologies qui seront développées dans la décennie 2020-2030.

Des scientifiques s'aventurent prudemment sur le terrain des prédictions dans leur domaine d'étude, à l'aube de la nouvelle décennie.

Un texte de Jean-Philippe Guilbault

Y a-t-il de la vie ailleurs dans l'Univers?

Ce serait une grosse découverte! Y a-t-il de la vie ailleurs? Sommes-nous seuls dans l’Univers? C’est LA grande question ou, du moins, l’une des grandes questions scientifiques.

René Doyon, professeur titulaire au Département de physique de l’Université de Montréal

« La découverte d’activité biologique pourrait se faire vers la fin de la prochaine décennie », lance, catégorique, le directeur de l’Institut de recherche sur les exoplanètes, René Doyon.

Pour arriver à cet ambitieux objectif, les scientifiques pourront bientôt compter sur les services de deux télescopes géants : le Télescope de Trente Mètres, dont la construction est prévue à Hawaï, et le Télescope géant européen de 39 mètres, dont la construction doit être terminée en 2025 dans le nord du Chili.

Un autre outil révolutionnaire pour l’étude des exoplanètes sera le télescope spatial James-Webb, dont le lancement est prévu pour 2021.

« C’est le plus grand télescope spatial qui aura été construit », explique René Doyon, qui travaille d’ailleurs à la conception d’un des instruments qui le composent.

« Je ne pense pas que c’est exagéré de dire que c’est la machine la plus complexe en cours de construction par l’humanité. »

Des travailleurs en combinaison près d'un télescope spatial.
En préparation depuis 20 ans, le télescope James-Webb doit être mis en orbite en 2021.Photo : Reuters / Kevin Lamarque

James-Webb servira à observer et à analyser avec une précision beaucoup plus grande que celle des télescopes existants la composition de l'atmosphère des exoplanètes pour y découvrir de l’eau ou de l’ozone.

Et les astrophysiciens ont l’embarras du choix pour se lancer à la recherche de la vie ailleurs que sur la Terre, puisque le nombre de planètes découvertes orbitant autour d’une étoile autre que notre Soleil ne cesse d’augmenter depuis le début des années 2000.

« Ça a été une explosion de détections d’exoplanètes, surtout par les missions spatiales », explique René Doyon. « On a notamment trouvé plusieurs planètes, une douzaine, dans la fameuse zone habitable. »

Cette explosion de découvertes est attribuable en partie au télescope spatial Kepler, lancé en 2009, qui avait pour mission d’observer pendant quatre ans, « sans cligner des yeux », une partie du ciel.

« Dans cette portion du ciel, il y a à peu près 150 000 étoiles », explique M. Doyon. « C’est de là que vient principalement la manne d’exoplanètes. »

En un peu plus de neuf ans de service, Kepler a découvert plus de 2500 planètes ailleurs dans l’Univers.

En comparaison, on anticipe que le travail qui pourra être accompli avec James-Webb sera « révolutionnaire ».

Un système de transport  hyperloop.
Image : Un système de transport hyperloop.
Photo: Représentation artistique d'un système de transport hyperloop aménagé en bordure d'une autoroute.  Crédit: Radio-Canada / TransPod Hyperloop

Hyperloop et voitures autonomes

Les espoirs futuristes du passé nous ont donné les voitures et les vélos électriques, le train à grande vitesse et les drones. Cette fois, de quoi sera fait le futur?

Lorsqu’il est question de transport, l’Hyperloop, ce train extrêmement rapide qui serait en théorie capable de relier Montréal et Toronto en moins d’une heure, est sur toutes les lèvres.

Verra-t-on ce genre de transport d’ici 10 ans?

« Je pense que cela va fonctionner », juge Nicolas Saunier, professeur à Polytechnique Montréal. « Le concept est basé sur des principes de physique qui sont assez bien compris. La difficulté, poursuit-il, c’est en termes de capacité : combien de personnes par heure l’Hyperloop va-t-il être capable de transporter? »

Car il est difficile d’imaginer que les pouvoirs publics investissent dans une technologie qui ne permet pas le transport de masse.

À l’opposé, le professeur à Polytechnique donne l’exemple du taxi volant, une solution « très nichée » pour des gens disposant déjà de fortunes importantes.

D’autres technologies à surveiller – « moins sexy », aux dires de M. Saunier – sont celles liées à la micromobilité : « les déplacements courts qui sont les déplacements les plus majoritaires dans les grands centres urbains ».

Selon lui, nous pourrions voir une amélioration et une démocratisation des petits véhicules électriques, un peu à l’instar des trottinettes et des vélos déjà déployés à Montréal.

« Je pense que, d’ici là, les véhicules sans conducteur seront [aussi] largement disponibles », ajoute M. Saunier, qui donne en exemple les récents développements du côté de Waymo, une entreprise d’Alphabet, la société mère de Google.

En juillet dernier, l’État de la Californie a autorisé Waymo à transporter des passagers à l’intérieur de ses taxis autonomes dans le cadre d’un projet pilote dans la région de San Francisco.

« Ces véhicules sont pratiquement tous électriques, il y a donc beaucoup moins d’impact sur la santé et on peut réduire les voies routières pour donner plus d’espaces de trottoir ou pour des pistes cyclables », ajoute M. Saunier. « On pourrait réserver certaines voies sur les autoroutes pour des voitures autonomes par souci d’efficacité. »

Une photo montrant trois mini fourgonnettes blanches portant le logo de Waymo sur l'une de leurs portes.
Les voitures autonomes de Waymo sont équipées de nombreux capteurs qui les aident à distinguer les obstacles.Photo : Reuters / Caitlin O'Hara

C’est toujours un bon exercice de regarder ce qui s’en vient, mais ce n’est pas évident!

Nicolas Saunier

Mais ce spécialiste des enjeux liés au transport intelligent et à la sécurité routière fait cette mise en garde : toute innovation devra passer le test de l’acceptabilité sociale.

« Il y a des scénarios où le véhicule autonome ne se déploie jamais parce qu’il y a, par exemple, un enfant d’une garderie qui se fait écraser et on se dit que c’est inacceptable et qu’on préfère que ça soit toujours conduit par des humains », explique-t-il, rappelant que rien ne peut être prévisible avec précision dans le domaine des technologies.

Une médecin explique à un patient âgé comment utiliser une application sur son téléphone intelligent.
Image : Une médecin explique à un patient âgé comment utiliser une application sur son téléphone intelligent.
Photo: Les applications mobiles dans le domaine de la santé sont de plus en plus nombreuses.  Crédit: iStock

L’hôpital à la maison

Depuis quelques années, le nombre d’applications permettant de connaître en direct son état de santé a bondi.

« Si on regarde les cinq ou six dernières années, le nombre d’applications mobiles est passé de 1000 à 600 000. C’est fou! », s’exclame Janine Badr, candidate au doctorat en santé publique à l’Université de Montréal.

Les avancées dans le domaine de la technologie permettant d’assurer des soins de santé à distance sont indéniables aux yeux de Mme Badr, dont le projet de thèse porte sur la notion de santé connectée.

Mais l’avenir de ce champ sera certainement marqué par des réflexions sur des enjeux éthiques, de sécurité et de financement, car le milieu de la santé n’a pas encore décidé comment il allait les intégrer dans le réseau.

« C’est l’industrie qui a pris les devants sans forcément se poser des questions sur les besoins de santé [des patients] », ajoute-t-elle.

Un exemple de ce qui pourrait trouver son chemin dans le réseau est celui d’un pancréas artificiel qui, mis « sous la peau d’un patient », est relié à une application mobile.

Il est ainsi possible de mesurer en temps réel les variations de glycémie chez les personnes diabétiques.

« Ce n’est pas donné à tout le monde », précise toutefois Mme Badr, qui rappelle qu’un tel dispositif peut coûter entre 7000 $ et 8000 $.

Le ventre d'un homme avec des appareils lui permettant de surveiller son taux de glycémie sur son téléphone intelligent.
Un pancréas artificiel peut être greffé sur un humain pour lui permettre de surveiller en temps réel son taux de glycémie.Photo : Institut de recherches cliniques de Montréal

Un exemple qui illustre très bien les pressions financières que mettent les nouvelles technologies sur les systèmes de santé universels, comme ceux que l’on retrouve dans les provinces canadiennes.

Une autre technologie qui pourrait être de plus en plus utilisée dans les prochaines années est celle des vestes intelligentes, comme celle développée par l’entreprise canadienne Hexoskin, qui collabore notamment avec l’Agence spatiale canadienne.

« Il y a des expériences qui sont faites en ce moment dans le domaine de la santé pour voir ce que ces vestes peuvent nous apporter », note Mme Badr, qui donne en exemple le cas de personnes épileptiques, dont la veste pourrait détecter les signes annonciateurs d’une crise.

« Ça avance très rapidement », se réjouit Mme Badr, qui souligne que l’implication des patients dès les phases de prototypes de ces projets est essentielle pour que les solutions développées concordent avec les besoins réels des utilisateurs.

Une photo montrant l'ordinateur quantique Q System One d'IBM, un grand cube de verre contenant un cylindre chromé suspendu.
Image : Une photo montrant l'ordinateur quantique Q System One d'IBM, un grand cube de verre contenant un cylindre chromé suspendu.
Photo: L'ordinateur quantique IBM Q System One est enfermé dans un grand cube de verre de 2,74 mètres de côté.  Crédit: IBM

L’informatique quantique

Année après année, découverte après découverte, l’échelle de grandeur sur laquelle les lois de la physique quantique s’appliquent augmente et on n’a toujours pas trouvé un moment où ça brise.

Alexandre Blais, directeur scientifique de l’Institut quantique de l’Université de Sherbrooke

La mécanique quantique est en train de percer le mur invisible de l’infiniment petit pour intégrer des systèmes de plus en plus grands. Pour le dire simplement : l’ordinateur quantique est à nos portes, et son potentiel a de quoi faire rêver.

En informatique classique, l’unité de base, le bit, est une variation entre 1 et 0. Un programme binaire n’est donc qu’une composition de ces deux chiffres et ne peut être ni l’un, ni l’autre, ni les deux à la fois.

En informatique quantique, il est possible d’utiliser les propriétés de la mécanique quantique pour créer des qubit – des bits quantiques – qui permettent la superposition des deux états. Il devient donc possible d’être 0 et 1 en même temps.

Google, qui travaille sur un tel projet, annonçait en octobre dernier que son processeur quantique Sycamore avait réussi en 200 secondes un calcul mathématique qu’un ordinateur classique aurait pris 10 000 ans à résoudre.

Cette performance, plus qu’impressionnante, n’a pas d’application utile pour l’instant, mais ce pourrait n’être qu’une question de temps.

Pour Alexandre Blais, directeur scientifique de l’Institut quantique de l’Université de Sherbrooke, il est particulièrement difficile de prédire avec exactitude comment cette forme d’informatique évoluera dans les dix prochaines années.

Mais, selon lui, on peut supposer, suivant un scénario « ambitieux », que seront construits des ordinateurs quantiques, aussi puissants que celui de Google, mais capables d’effectuer des calculs qui pourraient notamment s’appliquer à la synthétisation de médicaments.

Les médicaments, dans leur plus simple expression, sont des agencements d’atomes qui déterminent les propriétés médicales, explique le professeur Blais. Ces agencements sont de l’ordre de l'infiniment petit et sont régis par la mécanique quantique que nos ordinateurs classiques ont de la difficulté à reproduire.

« Il y a une étape dans la synthétisation des médicaments qui est une simulation par ordinateur, et c’est extrêmement coûteux et long. Si on peut accélérer cette simulation sur un ordinateur quantique, je crois que l’on aurait accompli quelque chose d’important. »

« Dans un scénario un peu plus négatif », souligne-t-il cependant, on pourrait se retrouver avec « des systèmes quantiques encore meilleurs, mais toujours aussi inutiles. »

La peur c’est qu’il y ait un “hiver quantique” où les systèmes grossissent, mais on ne sait toujours pas quoi faire avec, on ne sait toujours pas comment en exploiter la puissance.

Alexandre Blais

Mais Alexandre Blais se veut optimiste et anticipe un avenir assez prometteur pour cette technologie.

« Je crois que l’on est dans un moment qui est vraiment excitant. Les gens dans le domaine sentent qu’il se passe quelque chose. C’est un moment assez passionnant », se réjouit le chercheur.

Journaliste – Jean-Philippe Guilbault | Chef de pupitre – Bernard Leduc

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