Accord visant à renforcer l’indépendance de la Cour suprême du Canada

Accord

entre
le juge en chef du Canada
et
le ministre de la Justice et procureur général du Canada

1. Introduction

1.1. Le ministre de la Justice et le juge en chef du Canada s’engagent à maintenir un système de justice accessible et efficace, qui offre en temps opportun à tous les Canadiens des services de grande qualité et à la portée de tous.

1.2. Afin de renforcer la confiance du public à l’égard du système de justice et de la primauté du droit, le ministre de la Justice et le juge en chef du Canada s’engagent à préserver l’indépendance du pouvoir judiciaire garantie par la Constitution du Canada. Conformément à la Loi sur le ministère de la Justice, le ministre de la Justice exerce son autorité sur tout ce qui touche à l’administration de la justice au Canada et ne relève pas de la compétence des gouvernements provinciaux, en plus de veiller au respect de la loi dans l’administration des affaires publiques. Cela suppose notamment d’assurer le respect de la Constitution, de la primauté du droit et de l’indépendance des tribunaux.

1.3. Le ministre de la Justice et le juge en chef du Canada confirment le principe de l’obligation ministérielle de rendre compte des dépenses publiques et l’importance de la saine gestion des ressources publiques, des domaines dans lesquels la reddition de comptes et la transparence sont essentielles au maintien de la confiance du public. Ils reconnaissent également les responsabilités qui incombent au ministre à titre de membre du Cabinet.

1.4. Le ministre de la Justice et le juge en chef du Canada reconnaissent tous deux avoir un rôle important à jouer en ce qui concerne l’administration de la justice au Canada. Ils reconnaissent également qu’une relation axée sur la collaboration et la productivité est nécessaire à cette fin.

1.5. Le ministre de la Justice et le juge en chef du Canada reconnaissent la nature unique de la Cour suprême du Canada en tant qu’institution nationale importante située au sommet du pouvoir judiciaire du Canada.

2. Objet

2.1. Le présent accord a pour objet de reconnaître l’indépendance de la Cour suprême du Canada en décrivant publiquement le rôle du ministre de la Justice pour ce qui est de formuler, conformément à la Loi sur la Cour suprême, des recommandations au gouverneur en conseil relativement aux postes de registraire et de registraire adjoint de la Cour suprême du Canada et à la prise de décisions concernant le financement des activités de la Cour suprême du Canada. Il précise également que le registraire peut conclure des marchés en vue de la prestation de services juridiques d’une manière qui tient compte de l’indépendance de la Cour suprême du Canada. 

2.2. Le présent accord reflète les intentions des parties; toutefois, il n’est pas destiné à être un contrat légalement exécutoire, ni à faire naître des droits ou des obligations juridiquement contraignants.

3. Bureau du registraire de la Cour suprême du Canada

3.1. Le Bureau du registraire de la Cour suprême du Canada (« Bureau du registraire ») fournit la totalité des services et du soutien dont a besoin la Cour suprême du Canada pour traiter, entendre et trancher les affaires, en plus de servir d’intermédiaire entre les parties aux litiges et la Cour. Sous l’autorité directe du juge en chef, le registraire dirige le Bureau du registraire et gère ses employés, ses ressources et ses activités. 

4. Responsabilité ministérielle

4.1. Conformément à la Loi sur la gestion des finances publiques, le ministre de la Justice est le ministre compétent pour le Bureau du registraire. Compte tenu du principe de la responsabilité ministérielle devant le Parlement et de la responsabilité du ministre de la Justice relativement à l’administration de la justice, le ministre de la Justice parraine toutes les présentations au Cabinet (y compris au Conseil du Trésor et au ministre des Finances) ayant trait au Bureau du registraire, notamment celles liées aux demandes de financement nouveau et de financement permanent. 

4.2. Conformément à la Loi sur la gestion des finances publiques, le registraire est l’administrateur des comptes du Bureau du registraire. Par conséquent, le registraire est comptable devant les comités parlementaires compétents et, à ce titre, il doit répondre à leurs questions concernant certaines attributions liées à la gestion du Bureau du registraire. La responsabilité du registraire à titre d’administrateur des comptes s’inscrit dans le cadre de la responsabilité ministérielle et de l’obligation de rendre compte au Parlement. 

5. Recommandations au gouverneur en conseil : registraire et registraire adjoint

5.1. En vertu de la Loi sur la Cour suprême, le gouverneur en conseil nomme registraire et registraire adjoint des personnes qualifiées inscrites depuis au moins cinq ans au barreau. Le ministre de la Justice fait des recommandations au gouverneur en conseil à l’égard de ces postes.

5.2. Avant que le ministre de la Justice ne formule une recommandation au gouverneur en conseil à l’égard de la nomination d’une personne au poste de registraire ou de registraire adjoint, un processus de sélection est exécuté, lequel prévoit les éléments suivants :

5.2.1. un comité de sélection comprenant le juge en chef du Canada ou la personne qu’il désigne;

5.2.2. des critères de sélection élaborés par le comité en conformité avec les exigences prévues par la Loi sur la Cour suprême, à savoir que les personnes nommées doivent être qualifiées et être inscrites depuis au moins cinq ans au barreau;

5.2.3. le recours à un avis de possibilité d’emploi et à d’autres outils de sélection approuvés par le comité de sélection;

5.2.4. une recommandation de candidats qualifiés adressée au ministre de la Justice par le comité de sélection. 

5.3. Le ministre de la Justice consulte le juge en chef du Canada à l’égard des candidats recommandés par le comité de sélection. Dans sa recommandation au gouverneur en conseil, le ministre de la Justice ne recommande pas des candidats qui, de l’avis du juge en chef du Canada, ne conviennent pas pour le poste. 

5.4. Le ministre de la Justice recommande un mandat d’au plus cinq ans, en tenant compte du point de vue du juge en chef du Canada en ce qui concerne la durée appropriée du mandat.

5.5. Sous réserve des articles 5.2 à 5.4, une personne ayant été nommée précédemment au poste de registraire ou de registraire adjoint peut recevoir un nouveau mandat, aux fonctions identiques ou non.

5.6. Si le juge en chef du Canada est d’avis que la personne nommée au poste de registraire ou de registraire adjoint devrait être visée par une destitution avant la fin de son mandat, il en informe le ministre de la Justice et lui fournit ses motifs.

5.7. Le ministre de la Justice étudie attentivement l’avis du juge en chef du Canada afin de déterminer s’il y a lieu de faire une recommandation au gouverneur en conseil relativement à la destitution de cette personne.

5.8. Avant que le ministre de la Justice, de sa propre initiative, ne fasse une recommandation au gouverneur en conseil relativement à la destitution d’une personne nommée au poste de registraire ou de registraire adjoint, il doit :

5.8.1. solliciter l’avis du juge en chef du Canada sur le rendement et la conduite de la personne, ainsi que sur toute autre affaire pertinente à la question de la destitution;

5.8.2. consulter le juge en chef du Canada au sujet du bien fondé et du caractère approprié d’une telle recommandation; 

5.8.3. examiner attentivement l’avis du juge en chef.

5.9. En ce qui concerne la question de la destitution, rien, dans le présent accord, ne doit être interprété par les parties comme portant atteinte à tout droit à l’équité procédurale ou à la justice naturelle que peut avoir une personne nommée au poste de registraire ou de registraire adjoint.

6. Demandes de financement

6.1. Toutes les demandes de financement ayant trait au Bureau du registraire sont tranchées par le registraire, sous la direction du juge en chef du Canada. Cela comprend à la fois la préparation du budget annuel proposé pour le prochain exercice et toutes les demandes de financement hors cycle. Pour l’élaboration des demandes, le registraire peut discuter des besoins de la Cour en matière de financement avec des fonctionnaires du Secrétariat du Conseil du Trésor et/ou du ministère des Finances, s’il y a lieu.

6.2. Avant de soumettre officiellement une demande de financement au ministre de la Justice, le registraire peut lui fournir une version préliminaire de la demande, auquel cas, le ministre rencontre le registraire afin de discuter de la version préliminaire de la demande de financement et de fournir des commentaires sur son bien fondé.

6.3. Lorsque les demandes de financement sont complétées, le registraire les soumet officiellement au ministre de la Justice, qui les transmet ensuite au ministre des Finances, sans modification.

6.4. Une fois que le ministre de la Justice a transmis les demandes de financement au ministre des Finances, le registraire (et les fonctionnaires du Bureau du registraire) communique directement avec des fonctionnaires du ministère des Finances et du Secrétariat du Conseil du Trésor, s’il y a lieu, afin de soutenir l’évaluation des demandes.

6.5. À titre d’administrateur général et d’administrateur des comptes pour le Bureau du registraire, le registraire est le mieux placé pour répondre aux questions et fournir des renseignements afin de justifier les niveaux de financement demandés. Par conséquent, les fonctionnaires du ministère de la Justice renvoient au registraire et à ses représentants de telles questions ou demandes d’information émanant des fonctionnaires du ministère des Finances ou du Secrétariat du Conseil du Trésor. Le registraire tient le ministre de la Justice informée de la nature et de l’issue des discussions qui en découlent.

6.6. Les demandes de financement ayant trait au Bureau du registraire sont toujours distinctes des demandes de financement visant le ministère de la Justice.

7. Passation de marchés de services juridiques

7.1. Afin de remplir son mandat, le registraire peut passer des marchés pour des services juridiques offerts par des praticiens du droit du secteur privé.

7.2. À cette fin, le registraire peut choisir de solliciter l’aide du ministère de la Justice, qui a élaboré des politiques, des lignes directrices et des processus administratifs et acquis une expertise en matière de passation de marchés de services juridiques du secteur privé. 

7.3. Le registraire peut également choisir de passer directement des marchés de services juridiques avec le secteur privé, sans l’intervention du ministère de la Justice. Afin de démontrer une saine gestion des fonds publics et une optimisation des ressources, les marchés de services juridiques sont conclus par le registraire conformément aux contrôles financiers applicables, et sont ouverts, accessibles, équitables et transparents; ils mettent en outre à profit les avantages de la concurrence et respectent le besoin de souplesse pour répondre efficacement aux exigences opérationnelles et aux exigences des programmes. Cela suppose notamment l’élaboration, par le registraire, de politiques, procédures et lignes directrices pour régir la participation des services juridiques du secteur privé.

8. Examen

8.1. Le présent accord entre en vigueur à la date de sa signature par le ministre de la Justice et le juge en chef du Canada. Il s’applique aux demandes de financement, contrats de services juridiques, nominations, renouvellements de mandats et destitutions qui surviennent à la date de la signature ou après. Le présent accord peut faire l’objet d’une révision à la demande du ministre de la Justice ou du juge en chef du Canada.

Le présent accord entre en vigueur ce 22ème jour de juillet 2019.

 

La version originale a été signée par :

 

Le très honorable Richard Wagner, C.P.
Juge en chef du Canada

et

L’honorable David Lametti
Ministre de la Justice et procureur général du Canada