Articles d'intérêt

Rôle du Comité externe d'examen de la GRC dans les griefs

par Martin Griffin, conseiller juridique
Avril 2005

Le 30 mars et le 1er avril 2005, à l'invitation de la Gendarmerie, trois conseillers juridiques du Comité externe d'examen (le « Comité ») de la GRC, dont l'auteur, ont participé à l'atelier de formation sur les griefs qui se donnait au Collège canadien de police, à Ottawa, en Ontario. Pendant ces deux jours, nous avons eu le privilège de passer un moment avec des intervenants du processus de règlement des griefs de la GRC venus de toutes les régions du pays. Nous avons également eu l'occasion, dans le cadre d'une présentation, d'entretenir les participants au sujet du rôle joué par le Comité et d'aborder des questions sur lesquelles il doit se pencher lorsqu'il examine des griefs. Le texte de cette présentation sera bientôt affiché sur le site Web du Comité.

En plus d'être une occasion de revoir les sujets traités lors de séances de formation précédentes (un article relatif à une présentation antérieure sur le processus de règlement des griefs à la GRC peut être consulté à l'adresse Internet suivante : www.erc-cee.gc.ca/cnt/rsrcs/pblctns/rtcls/a-014.aspx), notre présentation comportait l'analyse de nouvelles questions, à savoir le fardeau de la persuasion dans le cadre des griefs, la communication des renseignements pertinents, le harcèlement, la cessation de la solde et la qualité pour agir des membres à la retraite. Nous examinons brièvement ces questions dans le présent article.

Le fardeau de la persuasion

Pendant notre présentation, nous avons traité de certaines recommandations formulées par le Comité, notamment dans l'affaire CEE 2500-93-001 (G-091), dans lesquelles il était fait référence au fardeau de persuasion incombant aux membres qui présentent des griefs. Dans le dossier G-091, le Comité a indiqué que, conformément aux principes du droit du travail appliqués dans les secteurs public et privé, le membre qui présente un grief en vertu de la partie III de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada est tenu de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la décision de la GRC qu'il conteste est erronée.

L'affaire CEE 2200-98-002 (G-234) est un exemple de cas où l'exigence du fardeau de persuasion n'a pas été remplie. Dans ce dossier, un membre a été assigné à comparaître dans le cadre d'une enquête du coroner en raison de son implication dans l'affaire en cause. Il a demandé à être représenté par un avocat aux frais de la GRC. La Politique sur l'indemnisation des fonctionnaires de l'État et sur la prestation de services juridiques à ces derniers du Conseil du Trésor prescrit le remboursement des frais de représentation juridique lorsque le fonctionnaire a agi dans le cadre de ses fonctions et qu'il a raisonnablement satisfait aux attentes du ministère ou de l'organisme. La GRC a refusé de donner suite à la demande du membre. Ce dernier a contesté la décision de la Gendarmerie dans un grief rejeté au premier palier au motif qu'il n'avait pas réussi à établir que son cas répondait aux exigences de la politique. Estimant que le requérant n'avait aucunement démontré qu'il avait agi dans le cadre de ses fonctions dans l'affaire visée par l'enquête du coroner, le Comité a recommandé le rejet du grief.

Par ailleurs, l'intimé doit également présenter une preuve assez solide, sinon le grief risque fort d'être accueilli. Dans l'affaire CEE 2100-02-001 (G-301), un membre a contesté l'ordre de la GRC en vertu duquel il devait loger dans des installations de la Gendarmerie pendant l'enquête à laquelle il avait été affecté. En l'espèce, il s'agissait de déterminer si ces installations correspondaient à la définition de « logements policiers appropriés » établie par la GRC à la lumière d'une directive sur les voyages. Le président a estimé que la preuve présentée par le requérant (preuve fondée sur les observations personnelles de ce dernier) démontrait assez clairement qu'elles ne satisfaisaient pas aux exigences de la politique en question. L'intimé a fourni de l'information indiquant le contraire, mais son argumentation ne reposait pas sur une preuve originale et n'avait donc pas beaucoup de poids. Le grief a été accueilli.

Ces recommandations mettent en lumière la nécessité, tant pour le requérant que pour l'intimé, de s'assurer que l'arbitre de grief dispose de l'information pertinente. Les Consignes du commissaire (griefs) (C.C.) prévoient des mécanismes permettant aux parties de transmettre de l'information. Elles habilitent le requérant et l'intimé à présenter une argumentation écrite et des documents. En outre, aux termes du paragraphe 31(4) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, le requérant peut consulter la documentation qui se trouve en la possession de la Gendarmerie et dont il a besoin pour présenter son grief, dans la mesure où elle est pertinente.

Accès à la documentation pertinente en vertu du paragraphe 31(4) de la Loi

Le paragraphe 31(4) de la Loi dispose que « le membre qui présente un grief peut consulter la documentation pertinente placée sous la responsabilité de la Gendarmerie et dont il a besoin pour bien présenter son grief ». Le membre qui demande l'accès à de l'information conformément à cette disposition doit donc faire la preuve qu'elle se trouve sous la responsabilité de la GRC et qu'elle est à la fois pertinente et nécessaire pour la présentation de son grief.

Lorsque ces exigences sont remplies, il peut arriver que le fardeau de persuasion incombe à l'intimé, celui-ci devant expliquer pourquoi les renseignements en cause ne doivent pas être divulgués (CEE 3200-95-001 (G-147)). Une exclusion peut être justifiée si leur divulgation risquerait de porter préjudice à la défense du Canada ou à la répression d'activités hostiles ou s'ils risquent d'entraver la bonne exécution des lois (C. C., article 8).

Dernièrement, le commissaire s'est penché sur la question de savoir si des renseignements personnels, selon la définition donnée dans la Loi sur la protection des renseignements personnels, peuvent être communiqués à un requérant aux termes du paragraphe 31(4) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada. Dans deux dossiers relatifs à un renvoi pour raisons médicales, soit CEE 2300-01-001 (G-266) et CEE 2900-01-002 (G-267), la Gendarmerie a refusé de fournir au requérant de l'information concernant les mesures d'adaptation destinées à d'autres membres atteints d'une déficience. Tout en soulignant que la décision de ne pas permettre l'accès du requérant à des renseignements médicaux concernant d'autres membres pouvait être en partie fondée, le président a conclu que l'information sur les mesures prises par la Gendarmerie pour répondre aux besoins d'autres membres handicapés pouvait être pertinente pour la présentation du grief. Il a également fait remarquer que les renseignements personnels (au sens de la Loi sur la protection des renseignements personnels) pouvaient être divulgués, car leur divulgation est autorisée en vertu du paragraphe 31(4) de la Loi pourvu qu'ils soient pertinents et nécessaires pour la présentation du grief.

Dans les affaires G-266 et G-267, le commissaire s'est dit d'accord, en principe, avec la recommandation du président voulant que l'information pertinente concernant les mesures d'adaptation destinées à d'autres membres soit communiquée au requérant sans que ne soient divulgués des renseignements médicaux confidentiels.

Harcèlement en milieu de travail

Notre présentation a aussi porté sur le harcèlement en milieu de travail. Selon la Politique sur la prévention et le règlement du harcèlement en milieu de travail du Conseil du Trésor, le harcèlement se définit comme tout comportement susceptible d'offenser ou d'humilier la personne visée et dont l'auteur savait ou aurait dû savoir qu'il serait importun. Cette politique autorise le recours à des mécanismes informels (tels que la résolution hâtive et la médiation) pour traiter les allégations de harcèlement en milieu de travail. Elle prévoit également un processus officiel de plainte et d'enquête pour faire face à ce genre de situation lorsque la prise de mesures informelles s'avère impossible. La politique interne de la Gendarmerie en matière de prévention et de résolution du harcèlement en milieu de travail, qui a récemment été modifiée et qu'on trouve au chapitre XII.17 du Manuel d'administration de la GRC, doit, dans son essence, être conforme à l'esprit de la politique du Conseil du Trésor.

Nous avons également traité de la recommandation du Comité dans l'affaire CEE 2400-95-004 (G-235). En l'espèce, la Gendarmerie avait jugé non fondée une plainte pour harcèlement parce que la personne en cause n'avait pas eu l'intention délibérée de harceler le plaignant. Le président a conclu que l'allégation de harcèlement avait été établie. Il a souligné que, pour conclure à du harcèlement, il n'est pas nécessaire que l'intention délibérée de harceler soit prouvée. Il s'agit plutôt de déterminer si l'auteur du comportement reproché « savait ou aurait dû savoir » que sa conduite serait importune.

Le harcèlement est abordé dans un article d'Odette Lalumière intitulé Droits de la personne et harcèlement au travail et publié dans le Communiqué d'avril-juin 2001. Bien que l'auteur se fonde sur une ancienne version de la politique interne de la GRC en la matière, cet article donne une vue d'ensemble utile des questions pouvant être soulevées relativement au harcèlement.

Cessation de la solde

Nous avons également profité de l'occasion pour examiner trois recommandations récentes du Comité qui ont trait à la cessation du versement de la solde à des membres suspendus de leurs fonctions. Dans les affaires CEE 2800-03-001 (G-318), CEE 3300-03-012 (G-319) et CEE 3300-03-011 (G-320), le Comité a examiné les cadres législatif, réglementaire et politique régissant la cessation de la solde à la GRC. En vertu du paragraphe 22(3) de la Loi, le Conseil du Trésor peut prendre des règlements relatifs à la cessation de la solde et des indemnités des membres suspendus de leurs fonctions. Toutefois, le règlement en la matière pris par le Conseil du Trésor ne fait qu'indiquer qui peut décider d'une telle cessation, sans établir les critères en fonction desquels cette décision doit se prendre. La politique interne de la GRC définit ces critères. Dans ses recommandations, le Comité s'est dit d'avis qu'il s'agissait, de la part du Conseil du Trésor, d'une délégation inopportune de son pouvoir de prendre des règlements. Il a remis en question le pouvoir légal de la Gendarmerie de cesser le versement de la solde et des indemnités d'un membre. Le Communiqué de janvier-mars 2004 traite des recommandations formulées dans ces trois affaires.

Dans les dossiers G-318, G-319 et G-320, le commissaire a conclu qu'il n'était pas habilité par la loi à se prononcer sur la validité du Règlement sur la cessation de la solde et des allocations des membres de la Gendarmerie royale du Canada. Par conséquent, pour les besoins de son analyse du bien-fondé du grief, il a présumé qu'il était valide. Ses décisions sont résumées dans le Communiqué de juillet-septembre 2004.

Qualité pour agir des membres à la retraite

Dans des affaires récentes dont le Comité a été saisi, des membres à la retraite ont présenté, sous le régime de la partie III de la Loi, des griefs relatifs à des situations survenues pendant leur période de service au sein de la Gendarmerie. Leurs griefs ont été rejetés au premier palier au motif que les membres retraités n'ont pas l'intérêt requis pour présenter un grief. Dans les affaires CEE 3300-03-001 (G-321), CEE 3300-03-003 (G-324) et CEE 3300-03-014 (G-332), le président a conclu que les membres à la retraite avaient qualité pour agir et pouvaient donc présenter des griefs. Écartant toute interprétation restrictive du terme « membre » au sens de la Loi, le président a pris en compte l'objet de cette dernière et s'est fondé sur une interprétation libérale des lois. Il a jugé que, comme les griefs portaient sur des situations survenues quand les requérants travaillaient encore pour la Gendarmerie, ces derniers avaient qualité pour agir, même s'ils avaient pris leur retraite.

Le commissaire s'est prononcé sur le dossier G-321; il s'est dit d'accord avec l'opinion du Comité selon laquelle le membre avait un intérêt suffisant pour présenter un grief. Il n'a cependant pas encore rendu de décision en ce qui a trait aux affaires G-324 et G-332.

Conclusion

Nous espérons que, en participant à des activités comme l'atelier de formation sur les griefs, nous aidons tous les intervenants du processus de règlement des griefs de la GRC et que, de façon plus générale, nous influons favorablement sur la façon dont les questions liées aux relations de travail sont traitées à la Gendarmerie. De notre côté, cette participation est très profitable, et nous serions heureux de prendre part à toute autre activité du genre.

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