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analyse

La liberté d'expression existe-t-elle vraiment sur les réseaux sociaux?

Les plateformes comme Twitter et Facebook sont privées et ne sont donc pas légalement tenues de respecter ce principe.

Un homme dont la bouche est masquée par un bout de papier collé à la peau.

Au sens légal, les réseaux sociaux ne sont pas tenus de respecter la liberté de la parole.

Photo : iStock / volkovslava

Avec la prise de bec entre Twitter et le président américain, Donald Trump, la liberté d'expression est sur toutes les lèvres. Le président affirme que Twitter le censure et enfreint ce principe en apposant des vérifications de faits à ses tweets, ou en les masquant en raison d'une « glorification de la violence ». Qu'en est-il du point de vue légal?

Aux États-Unis, où demeurent les géants Twitter, Facebook et Google, la liberté d'expression est protégée par le premier amendement de la Constitution. Celui-ci garantit aussi la liberté de presse et de religion, ainsi que le droit de se réunir pacifiquement.

Pour Katie Fallow, avocate au Knight First Amendment Institute, un organisme de défense de la liberté de la parole rattaché à l'Université Columbia, cet amendement ne s'applique absolument pas aux pratiques de Twitter.

Le premier amendement pose des restrictions sur ce que peut faire le gouvernement pour brimer la parole des citoyens, il ne s'applique pas aux entreprises privées comme Twitter, explique-t-elle. Twitter a parfaitement le droit d'ajouter des avertissements pour envoyer les gens vers des articles de vérification ou de modérer ce qui se dit sur la plateforme. Il n'y a pas de loi contre ça.

En fait, puisqu'aux États-Unis les entreprises sont considérées comme des personnes au sens de la loi, Twitter elle-même dispose de protections en ce qui a trait à sa liberté d'expression, ajoute Mme Fallow. Le gouvernement américain n'aurait pas le droit, par exemple, d'exiger que Twitter retire un avertissement apposé sur un tweet du président.

Quant à la menace qu'a lancée M. Trump sur Twitter de vouloir faire fermer les réseaux sociaux qui n'agissent pas comme il le veut, Mme Fallow croit que cela violerait clairement le premier amendement.

Elle ajoute que le décret présidentiel signé par M. Trump jeudi, qui cherche à limiter la protection judiciaire de ceux qui feraient de la censure sélective, pourrait, lui aussi, contrevenir à cet amendement.

Le décret n'appelle pas à faire fermer des réseaux sociaux, mais il semble vouloir imposer des lourdeurs réglementaires à des entreprises en raison de ce qu'elles font avec leur droit de parole. Je crois que cela violerait le premier amendement, affirme-t-elle.

Une analogie utile serait que le gouvernement ne peut pas punir un journal parce que celui-ci a décidé de publier une lettre d'opinion ou un éditorial, ou encore parce qu'il a décidé de ne pas publier un éditorial. Ça serait inconstitutionnel et c'est précisément le genre de chose qu'interdit le premier amendement.

Au Canada, même son de cloche

Au Canada aussi, les activités des réseaux sociaux n'entrent pas dans le cadre légal qui garantit la liberté d'expression, soutient Pierre Trudel, professeur de droit à l'Université de Montréal.

En principe, la liberté d’expression procure une protection contre les activités, les interdictions ou les lois que peut adopter un État. Les réseaux sociaux comme tels sont des espaces privés, juge-t-il. A priori, une entreprise privée comme Twitter n’est pas liée par les interdictions de brimer la liberté d’expression.

Cette situation est loin de faire l'unanimité. De plus en plus de voix s'élèvent pour critiquer le fait que ces plateformes ont désormais un immense pouvoir sur ce qui se dit en ligne, souligne M. Trudel.

Il y a beaucoup d’arguments pour dire, "oui, mais, ces réseaux sociaux là jouent un rôle tellement important dans la façon dont on s’exprime, ils sont devenus l’équivalent des places publiques et ne devraient pas pouvoir commencer à censurer", dit-il.

C’est un très très gros défi, probablement un des plus gros défis de notre temps. C’est la première fois dans notre histoire où on a un système de communication qui permet à tout le monde de rejoindre avec une très grande facilité presque toute la planète, et on n’a pas encore réussi à le domestiquer.

Pierre Trudel, professeur de droit à l'Université de Montréal

D'ailleurs, la volonté de réglementer les géants du web provient de gens de tous horizons politiques, ajoute M. Tudel.

C’est un des gros enjeux de politique publique actuelle. C’est peut-être ce qui fait que, malgré son caractère très rustre, la prise de position de Trump, qui apparaît absurde à première vue, repose quand même sur une idée assez répandue actuellement dans beaucoup de milieux, qu’il faut faire quelque chose pour encadrer le pouvoir des réseaux sociaux.

Certains proposent, par exemple, d'invoquer les lois antitrust aux États-Unis pour démanteler les monopoles de fait que sont devenus les réseaux sociaux. D'autres croient plutôt que les gouvernements devraient légiférer pour tenir les plateformes responsables et les forcer à retirer rapidement des contenus dangereux, tels que des discours haineux, par exemple.

Cependant, il n'existe pas de précédent pour encadrer de tels géants, et encore moins de solutions faciles. Il n’y a pas de modèle préexistant ou prêt-à-porter, si on veut, qui permettrait de répondre à l’ensemble des préoccupations que ça soulève, reconnaît M. Trudel.

Tout le monde sait qu’on doit faire quelque chose, mais on ne s’entend pas beaucoup pour savoir qu’est-ce qu’on devrait faire.

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