Le Conseil canadien des relations industrielles (CCRI) est un tribunal quasi
judiciaire indépendant et représentatif chargé de l’interprétation et de
l’application du Code canadien du travail (le Code ), Partie
I, Relations du travail, et de certaines dispositions de la Partie II, Santé et
sécurité au travail. Il a été établi en janvier 1999 pour remplacer
l’ancien Conseil canadien des relations du travail (CCRT) dans le cadre du
remaniement de la Partie I du Code .
En date du 31 mars 2005, l’équipe décisionnelle du Conseil comprenait le
président, cinq vice-présidents, quatre membres à temps plein et six membres
à temps partiel, tous nommés par décret du gouverneur en Conseil. Toutefois,
le Conseil a fonctionné avec une équipe décisionnelle encore plus réduite
pendant plusieurs mois en 2004-2005. Il est à noter que le Code exige
que le président et les vice-présidents possèdent de l’expertise et de
l’expérience en relations du travail, et que les membres soient nommés par
le ministre du Travail et du Logement, après avoir consulté les organismes
syndicaux et patronaux.
Le CCRI, qui exerce ses pouvoirs dans l’ensemble des provinces et des
territoires, régit les relations du travail des entreprises fédérales qui
sont actives dans les secteurs suivants:
- la radiodiffusion
- les banques à charte
- les services postaux
- les aéroports et le transport aérien
- le transport maritime et la navigation
- le transport interprovincial ou international par route, par chemin de
fer, par traversier ou par pipeline
- les télécommunications
- la manutention du grain ainsi que l’extraction et le traitement de
l’uranium
- la plupart des activités des secteurs public et privés au Yukon, au
Nunavut et dans les Territoires du Nord-Ouest
- les conseils de bande et certaines entreprises des Premières Nations dans
les réserves
- certaines sociétés d’État (notamment Énergie atomique du Canada
Limitée)
Cette compétence s’exerce sur quelque 1 300 000 employés et leurs
employeurs et englobe des entreprises qui ont un impact économique, social et
culturel énorme sur les Canadiens, d’un océan à l’autre. La diversité,
la répartition géographique et l’importance nationale des activités
contribuent au caractère unique de la compétence exercée par le gouvernement
fédéral et du rôle du CCRI, et posent des défis particuliers au Conseil.
Le Conseil s’est fixé un certain nombre d’objectifs stratégiques pour réaliser
son mandat:
- mener à bien l’ensemble des processus en appliquant les principes établis
par le Code ;
- trouver des solutions aux problèmes de relations du travail en déterminant
la cause et la nature du litige et en appliquant les méthodes appropriées
de règlement des différends, dont la recherche des faits, la médiation et
le processus décisionnel;
- mener ses activités de manière rapide, juste et uniforme;
- consulter la clientèle sur son rendement et sur l’élaboration de
politiques et de pratiques;
- mieux faire connaûtre son rôle, ses processus et sa jurisprudence en
entretenant des contacts avec la clientèle et en utilisant divers moyens
pour communiquer l’information (site Web, publications conventionnelles,
exposés devant divers auditoires, ligne sans frais 1 800, etc.);
- diriger ses activités et gérer ses ressources en appliquant des
principes de saine gestion financière en conformité avec la Loi sur la
gestion des finances publiques ainsi que les politiques et directives
des organismes centraux;
- entretenir des contacts avec les utilisateurs des services en instaurant
des processus utiles de communication et de plainte.
Les dernières années ont connu d’importants développements et posé des
défis de taille dans le domaine des relations du travail au Canada et donc pour
le CCRI. La concurrence accrue résultant de la mondialisation des marchés,
l’évolution de la technologie, la volatilité des économies nationale et
internationale et les fusions d’entreprises ont toutes eu une incidence sur
les employeurs, les employés et les liens qu’ils entretiennent.
Cet état de fait n’est nulle part plus évident que dans les secteurs de
compétence fédérale où le degré et le rythme des changements ont atteint
des sommets pour la plupart inégalés. Un grand nombre de secteurs d’activité
— celui des télécommunications et du transport aérien pour ne nommer que
ces deux-là — ont délaissé leurs structures monopolistiques ou
semi-monopolistiques éminemment réglementées au profit de modèles plus
concurrentiels et moins axés sur la réglementation. Ainsi, en l’espace de
quelques années seulement, une entreprise essentiellement régionale comme
BCTel est devenue TELUS, l’un des chefs de file en matière de télécommunications
au Canada. En outre, de nombreux services qui étaient jadis assurés par
l’administration fédérale, comme la sécurité et l’embarquement des
passagers dans les aéroports, ont été privatisés. Ces profondes
transformations combinées à une main-d’oeuvre majoritairement syndiquée ont
conduit à une situation où le Conseil est de plus en plus souvent appelé à régler
des différends complexes et hautement médiatisés entre les parties à la négociation,
et comportant des implications sociales et économiques d’importance pour le
grand public canadien.
Les questions particulières qui continuent de retenir l’attention du
Conseil sont les suivantes:
- la nécessité d’aider les entreprises et les syndicats à trouver des
solutions aux problèmes causés par la fusion ou la prise de contrôle de
sociétés — ce qui englobe la détermination de la structure des unités
de négociation et des droits de négotiation, la fusion des conventions
collectives et l’intégration des droits d’ancienneté — notamment
dans les secteurs du transport aérien et des télécommunications;
- l’acquisition et l’exercice du droit à la libre négociation
collective et l’établissement de relations du travail harmonieuses de
manière juste et transparente;
- la nécessité de veiller à ce que les négotiations collectives entre
employeurs et syndicats se déroulent de manière juste et de bonne foi;
- la portée du devoir de représentation juste à l’égard des groupes de
travailleurs minoritaires;
- la détermination des services qui doivent être maintenus durant un arrêt
de travail pour protéger la santé et la sécurité du public canadien,
particulièrement dans les secteurs des aéroports, de production d’énergie
atomique et du système de transport aérien;
- l’examen rapide des situations où il y a possibilité d’un arrêt de
travail ou d’un lock-out illégal.
La complexité et l’incidence des problèmes auxquels sont confrontés les
employeurs et les syndicats assujettis à la compétence fédérale obligent le
Conseil à appliquer judicieusement un large éventail de connaissances et de
compétences en droit du travail et en droit administratif dans divers
contextes. La demande de services décisionnels est donc demeurée à des
sommets élevés, bien qu’elle ait quelque peu diminué pour s’établir à
des niveaux plus réalistes au cours des deux derniers exercices. Qui plus est,
la détermination du Conseil à favoriser, dans la mesure du possible, le règlement
conjoint des différends par les parties — et les demandes de la clientèle
pour que le Conseil intervienne comme médiateur pour régler les questions en
litige plutôt que de recourir au processus décisionnel — éprouvent encore
davantage les ressources du Conseil. En conséquence, le Conseil continue
d’insister sur l’importance d’une augmentation de ses niveaux de compétences
et de ressources pour répondre aux besoins de sa clientèle.
2.2.1 Volume d’affaires
Le nombre de demandes et plaintes reçues par le Conseil a augmenté de manière
phénoménale dans les années qui ont suivi l’entrée en vigueur des
dispositions nouvelles et révisées du Code en 1999, lesquelles ont élargi
les paramètres des affaires pouvant être entendues par le CCRI. Au cours des
cinq derniers exercices, le CCRI a reçu 898 demandes, en moyenne, par année,
par rapport à 765 dans les cinq exercices précédents, ce qui représente une
augmentation de 17,4 %.
Plus récemment toutefois, le volume d’affaires reçues a diminué considérablement.
En 2004-2005, le nombre de demandes et plaintes a chuté à 740 (voir le graphique
1 ), soit une diminution de 81 affaires par rapport à 2003-2004, le nombre
le plus bas depuis 1998-1999. Cela représente aussi un volume beaucoup faible
que le volume principal estimatif de 820 à 850 demandes et plaintes par année.
La réduction du volume d’affaires reçues en 2004-2005 est principalement
attribuable à une diminution importante du nombre de plaintes de pratique déloyale
de travail (PDT). Ces plaintes, qui, généralement, représentent environ 44 %
de l’ensemble des affaires reçues dans une année donnée, ont chuté à 286
en 2004-2005, soit 72 de moins qu’en 2003-2004.
Afin de traiter le volume relativement élevé d’affaires dans les années
qui ont suivi l’entrée en vigueur des modifications du Code en 1999,
le Conseil a adopté plusieurs mesures administratives et s’est prévalu
davantage des dispositions du Code lui permettant de trancher un plus
large éventail d’affaires sans tenir d’audience publique et de faire appel
plus fréquemment à des bancs d’un seul membre. Le Conseil a ainsi commencé
à faire un usage accru des procédures et des audiences à huis clos en rendant
des décisions fondées sur les documents versés au dossier et les observations
écrites des parties, ce qui limite le temps consacré aux déplacements et
permet un processus d’audience mieux ciblé. Ces mesures, conjuguées à
d’autres améliorations du processus de gestion des affaires telles que
l’utilisation de conférences préparatoires à l’audience, ont permis au
Conseil d’accélérer le processus décisionnel dans bien des cas.
Bien que le Conseil ait généralement réussi à accroûtre le nombre
d’affaires tranchées ces dernières années — 892 affaires ont été tranchées
en moyenne par année dans les cinq derniers exercices par rapport à 715
seulement dans les cinq exercices précédents — le nombre d’affaires tranchées
a chuté à 737 en 2004-2005 (voir le graphique 1 ), le
plus bas depuis 1998-1999. Cette diminution de production du Conseil peut être
attribuée à une réduction de sa capacité décisionnelle en 2004-2005. En
effet, l’effectif incomplet des membres du Conseil de même que les graves
problèmes de santé d’un autre membre ont quelque peu compliqué
l’attribution des affaires dans bien des cas. Le nombre d’affaires en
instance, qui s’établit juste au dessus de la barre des 700 pour les quatre
derniers exercices, est donc demeuré constant (voir le graphique
1 ).
2.2.2 Affaires plus complexes
Outre la capacité décisionnelle réduite du Conseil, le nombre croissant de
cas plus complexes, une situation qui avait été prévue et signalée dans les
rapports antérieurs, a également joué un rôle dans la diminution récente du
nombre d’affaires tranchées. Les cas complexes, qui concernent généralement
l’application de plusieurs dispositions du Code de même que des
questions relatives à la Charte, prennent plus de temps à traiter et nécessitent
davantage de ressources du Conseil pour être menés à terme. Le tableau 1
montre que les cas complexes s’établissaient généralement à 90 ou plus par
année dans les cinq derniers exercices et que leur incidence en proportion du
nombre total d’affaires tranchées est passée d’environ 8 % en 2000-2001 à
13 % en 2004-2005. En comparaison, les cas complexes représentaient moins de 50
affaires par année, en moyenne, dans les cinq exercices précédents.
De même, le nombre de jours d’audience requis pour traiter ces cas plus
complexes a lui aussi augmenté, s’établissant, en moyenne, à 301 par année
dans les cinq derniers exercices, par rapport à 112 dans les cinq exercices précédents
— ce qui représente une augmentation de plus de deux fois et demi de jours.
Fait à souligner, la baisse importante du nombre de jours d’audience consacrés
aux cas plus complexes en 2004-2005 est directement reliée à la capacité décisionnelle
réduite du Conseil mentionnée précédemment. L’incidence accrue de cas
complexes a évidemment des répercussions sur le volume d’affaires qui peut
être tranché avec une capacité décisionnelle donnée.
Tableau 1 – Jours d’audience pour les affaires plus complexes
Affaire |
2000-2001 |
2001-2002 |
2002-2003 |
2003-2004 |
2004-2005 |
|
Nombre d’affaires |
Jours d’audience |
Nombre d’affaires |
Jours d’audience |
Nombre d’affaires |
Jours d’audience |
Nombre d’affaires |
Jours d’audience |
Nombre d’affaires |
Jours d’audience |
Examen de la structure des unités de négociation |
16 |
40 |
15 |
140 |
17 |
125 |
17 |
85 |
21 |
44 |
Employeur unique |
22 |
44 |
21 |
93 |
19 |
147 |
12 |
82 |
20 |
87 |
Vente d’entreprise |
29 |
40 |
49 |
75 |
34 |
108 |
33 |
79 |
34 |
73 |
Maintien d’activités |
15 |
25 |
21 |
43 |
28 |
55 |
28 |
119 |
19 |
1 |
Total |
82 |
149 |
106 |
351 |
98 |
435 |
90 |
365 |
94 |
205 |
2.2.3 Affaires prioritaires
Aux cas plus complexes s’ajoutent les affaires qui, comme le prévoit le Règlement
du Conseil , nécessitent une intervention prioritaire du Conseil. Il
s’agit notamment des demandes d’ordonnances provisoires et de décisions
partielles, des demandes de dépôt d’ordonnances du Conseil à la Cour, de
renvois au Conseil par le ministre du Travail et du Logement relativement aux
activités à maintenir durant un arrêt de travail légal, de demandes de déclaration
d’invalidité d’un vote de grève ou de lock-out, de demandes de déclaration
de grève ou de lock-out illégal et de plaintes de pratique déloyale de
travail concernant l’utilisation de travailleurs de remplacement et le congédiement
pour activités syndicales. Ces affaires sont mises au rôle, entendues et
tranchées en priorité par rapport à d’autres éléments de la charge de
travail du Conseil. Les demandes d’accréditation ainsi que les affaires qui
risquent fort de dégénérer en conflit de travail si le différend n’est pas
réglé rapidement ou qui présentent d’autres caractéristiques identifiables
nécessitant une décision immédiate sont aussi traitées en priorité.
L’établissement de priorités entraûne inévitablement le report
d’affaires moins urgentes. Les contraintes de la mise au rôle, attribuables
au volume d’affaires à traiter et aux priorités, peuvent nuire au règlement
rapide des affaires très longues ou complexes — le genre d’affaires qui, règle
générale, fait l’objet d’une audience publique au Conseil.
Le nombre d’affaires à traiter en priorité a également augmenté depuis
l’entrée en vigueur des modifications du Code en 1999; il représente
un peu plus de 8 % de l’ensemble des demandes et plaintes reçues dans les
cinq derniers exercices, par rapport à moins de 3 % dans les cinq exercices précédents.
Le graphique 2 fournit des données sur le volume d’affaires prioritaires et
d’accréditations pour les exercices 2000-2001 à 2004-2005.
2.2.4 Décisions écrites
Un autre facteur qui influe sur la charge de travail du CCRI est
l’augmentation du nombre de Motifs de décision détaillés rendus
par écrit. Les interrogations qu’ont suscitées les nouvelles dispositions législatives
entrées en vigueur en 1999 et l’absence de jurisprudence en la matière ont
eu pour effet d’inciter davantage les parties à s’en remettre au Conseil
pour régler leurs différends. De plus, le règlement de cas plus complexes,
dont le nombre s’est récemment accru, tel qu’il a été indiqué précédemment,
nécessite aussi fréquemment des décisions plus détaillées du fait de leur
nature 1 .
1 Le Conseil fournit des Motifs de décision
lorsqu’il s’agit d’affaires d’importance nationale ou qui font
jurisprudence. Pour les autres affaires, le Conseil rend des décisions-lettres
plus concises, ce qui accélère le processus décisionnel et apporte des
solutions plus rapides aux parties, en matière de relations du travail.
Ces deux facteurs réunis ont entraûné un besoin accru pour le Conseil
d’appliquer et d’interpréter le Code dans les affaires portant sur
des dispositions révisées ou nouvelles, ce qui, par voie de conséquence, se
traduit par une augmentation significative de la jurisprudence du Conseil. Ces décisions
servent à la fois à trancher les questions relatives à des circonstances
complexes et à donner des précisions sur la manière dont le Code , y
compris les nouvelles dispositions, s’appliqueront au fil du temps. À cet égard,
le Conseil s’efforce de rendre, en temps opportun, des décisions justes et
juridiquement valables, cohérentes par rapport à des affaires semblables afin
de constituer une jurisprudence claire et fiable qui permette de réduire le
nombre de demandes de réexamen de décisions rendues par le Conseil ainsi que
le risque que celles-ci fassent l’objet d’un contrôle judiciaire à la Cour
d’appel fédérale.
Le nombre de Motifs de décision et de décisions lettres rendus par
le Conseil dans les cinq derniers exercices est indiqué dans le graphique 3. Le
CCRI a rendu, en moyenne, 50 Motifs de décision détaillés pendant
les cinq derniers exercices et généralement plus de 200 décisions lettres,
hormis toutefois en 2004-2005, en raison de sa capacité décisionnelle réduite.
Le solde est constitué d’affaires soit retirées, soit tranchées par voie
d’ordonnance. Dans les cinq exercices précédents, le Conseil avait rendu, en
moyenne, 38 Motifs de décision et 133 décisions lettres par année.
Voir la section 4.3.1 pour prendre connaissance de décisions
caractéristiques du Conseil en 2004-2005.
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