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Ottawa, le 25 septembre 2000
2000-074

Déclaration préparée à l'intention du Comité de développement

L'honorable Paul Martin
ministre des Finances du Canada

Prague, République tchèque.
le 25 septembre 2000.


Depuis quelques mois, le débat engagé sur la relation entre la mondialisation et la réduction de la pauvreté s'est intensifié. Or, la mondialisation est une réalité incontournable. En soi, elle n'est ni bonne ni mauvaise, mais c'est notre façon de l'envisager qui déterminera le rôle qu'elle jouera dans la réduction de la pauvreté. Nous devons faire en sorte que la mondialisation contribue à un recul durable de la pauvreté et que l'évolution technologique rapide et le triomphe de l'économie du libre marché relèvent le niveau de vie de chacun d'entre nous.

La mondialisation a contribué à accroître les possibilités et à hausser les salaires. Si elle crée des possibilités, elle soulève également de nouveaux défis. Les travailleurs et les travailleuses ainsi que les entreprises de tous les pays ont dû faire de grands efforts d'adaptation par suite de l'intensification de la concurrence occasionnée par la mondialisation. Nombreux sont ceux, surtout dans les pays les plus pauvres, qui n'ont pas profité des retombées positives de la mondialisation. Ne possédant pas les compétences requises pour être en compétition au sein de l'économie moderne, et faisant face à de graves problèmes comme les maladies endémiques et la dégradation de l'environnement sur une vaste échelle, les personnes les plus pauvres sont de plus en plus marginalisées. En Afrique, par exemple, non seulement le revenu par habitant n'a-t-il pas progressé au même rythme que dans le reste du monde, mais l'écart s'est encore accru. Le fossé entre les riches et les pauvres se creuse donc de plus en plus, situation absolument impossible à défendre sur le plan moral, et qui pourrait exploser. Cet état de choses est tout à fait inadmissible.

Nous devons faire en sorte que tous récoltent les fruits de la mondialisation. Une façon d'y parvenir consiste à favoriser la croissance économique dans les pays en développement. La croissance économique est en effet une condition nécessaire pour réduire la pauvreté. Nous n'avons relevé nulle part un cas où les indicateurs de pauvreté, comme les revenus ou les normes de santé et d'éducation, se sont améliorés en période de croissance économique négative.

Il faut aussi que la croissance économique soit de qualité, c'est-à-dire que ses retombées soient partagées équitablement. L'adoption de politiques économiques et sociales globales qui éliminent les causes profondes de la pauvreté et de l'iniquité ne devrait pas être un luxe que seuls les pays riches peuvent se payer. Il est essentiel d'investir dans le capital humain, l'éducation et les soins de santé. Aucune société ne peut permettre qu'une vaste proportion de sa population soit exclue des bienfaits de la croissance, qu'elle soit marginalisée et qu'elle envie à ceux qui sont capables de participer à l'économie mondiale les avantages d'une telle participation.

En bout de ligne, nous aurons échoué si tous les efforts visant à étendre la démocratie et à libéraliser le commerce à l'échelle mondiale ne se traduisent pas par une meilleure qualité de vie pour tous. Pour notre propre bien, nous devons partager les fruits d'un monde mieux intégré afin de préserver les gains que nous avons déjà réalisés et d'étendre les possibilités que nous cherchons à partager. En fin de compte, il existe un lien durable entre la sécurité et la prospérité pour tous. La question est de savoir comment faire en sorte que la croissance procure les avantages voulus à chaque membre de nos sociétés?

Cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté et Initiative d'aide aux pays pauvres très endettés

Pour les pays à faible revenu, les cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté que le Comité de développement a avalisés l'an dernier traitent directement des liens qui existent entre la croissance et la réduction de la pauvreté. Des progrès ont été accomplis, mais ils sont insuffisants. Nous devons dresser un bilan de nos réalisations et adapter notre stratégie au besoin. Nous devons aussi examiner les expériences et les actions de tous les intervenants du développement (les organismes multilatéraux ou bilatéraux, mais surtout les pays en développement eux-mêmes) pour nous assurer que le mécanisme en place nous permette d'atteindre l'objectif fondamental, soit d'éliminer la pauvreté.

Les cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté continuent de susciter des questions à l'échelle de la communauté internationale. Les préoccupations soulevées sont partagées, à divers degrés, par les pays en développement, les organisations non gouvernementales (ONG), les donateurs bilatéraux et multilatéraux et les institutions financières internationales elles-mêmes. Pour certains, il s'agit de vieux programmes qu'on a simplement baptisés autrement. D'autres les perçoivent comme un obstacle créé par les institutions financières internationales et les pays créanciers pour retarder l'octroi d'un allégement de la dette et d'aide à des conditions de faveur. D'autres encore mettent en doute l'à-propos de transférer les lourdes responsabilités liées à la réduction de la pauvreté à des gouvernements dont la capacité institutionnelle est limitée et dont la volonté politique varie. Ce scepticisme nous met au défi de veiller à ce que les cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté parviennent bel et bien à répondre aux attentes voulues. Il nous incombe de bien écouter et d'agir en conséquence.

Il convient de reconnaître la contribution énorme des ONG au règlement du problème de la dette, laquelle contribution a mené à l'élaboration et à l'amélioration de l'Initiative d'aide aux pays pauvres très endettés. Par exemple, les ONG irlandaises ont souvent participé au débat interne sur l'Initiative, et leur apport s'est révélé précieux, vu surtout leur expérience concrète dans les pays en cause. En menant des campagnes dynamiques en faveur de l'allégement total de la dette, elles ont réussi à sensibiliser la population irlandaise au problème de la dette et ont contribué à la réalisation de percées à l'échelle internationale. Quant au Canada, son engagement s'est traduit par une contribution inestimable envers le développement de nos initiatives d'allégement de la dette et l'évolution de nos préoccupations quant à la mise en œuvre de l'Initiative d'aide aux pays pauvres très endettés et la nécessité d'accélérer nos efforts pour réduire la pauvreté dans les pays les plus pauvres. Les travaux des ONG sont essentiels.

Au moment d'évaluer nos réalisations et de modifier nos stratégies, il ne faut pas oublier que nous demandons aux pays en développement de s'engager dans un processus global à long terme dont les pays industrialisés ont été épargnés. Par ailleurs, nous voulons que les pays en développement accomplissent des changements importants dans un délai relativement court et dans un contexte de plus en plus complexe et dynamique caractérisé par des contraintes incontournables au chapitre de la capacité, et nous voulons que cela se produise en quelques années seulement. C'est tout à fait contraire à l'expérience de bon nombre d'entre nous, qui avons mis des décennies à croître et à prospérer.

Notre première tâche consiste non seulement à reconnaître mais à mettre en pratique le principe global selon lequel les pays en développement eux-mêmes doivent être au centre du processus. Il s'agit de l'essence du Cadre de développement intégré. La contribution de la société civile est essentielle, mais les gouvernements doivent aussi mettre de l'avant des stratégies et des mécanismes intégrés ainsi que des documents de travail viables. Ce n'est qu'à ce moment-là que de véritables progrès pourront être accomplis et que nous assisterons à un recul de la pauvreté. Qu'est-ce que cela signifie en termes pratiques? Il faut faire appel non seulement à l'engagement et à la capacité des gouvernements, mais aussi à l'aide de la communauté internationale.

Dans le cadre de toutes nos interventions au chapitre du développement, il est essentiel que nous mettions l'accent sur la qualité des conditions et non sur leur quantité. Nous devons miser sur un nombre vraiment limité de conditions mesurables dans les secteurs social, structurel et macroéconomique pour donner accès à un allégement de la dette et à de l'aide à des conditions de faveur de la part de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI).

Par exemple :

  • Sao Tomé-et-Principe, une petite île de 140 000 habitants, est tenue de prendre 160 mesures pour être admissible à un allégement de sa dette. C'est absurde.
  • Les mesures que nous prenons continuent d'être dominées par l'importance que nous accordons à la quantité. Notre approche envers la privatisation en est un exemple. Nous aurions plutôt intérêt à tenter de privatiser un nombre restreint d'entités publiques clés. La privatisation est un processus difficile même lorsque le gouvernement a une forte capacité, que les conditions du marché sont favorables et que le public y souscrit entièrement. Par ailleurs, la privatisation ouvre la porte à la corruption. Nous devons redoubler nos efforts afin d'apporter une réforme de qualité, sur une échelle réduite, assortie de processus transparents, mesurables et équitables qui appuient et même renforcent les principes d'une saine gouvernance.

Dans l'établissement des conditions de la réforme, nous devons toujours tenir compte de la capacité administrative d'un pays ainsi que des réalités économiques, sociales et politiques.

Coordination entre les pays donateurs

Étant donné l'importance de la capacité administrative des gouvernements et des réalités sociales, économiques et politiques, nous, en tant que pays donateurs, ne devons pas imposer des exigences ou fournir des efforts qui font double emploi et qui contribuent à réduire la capacité des gouvernements d'apporter une réforme durable. Un exemple frappant des exigences que nous imposons tous aux pays en développement est celui de l'Ouganda : au cours d'une récente période de 12 mois, ce pays a accueilli plus de 1 000 missions et délégations. La coordination entre les pays donateurs est essentielle. Nous en avons beaucoup parlé, mais n'avons pas réalisé de progrès concrets. C'est maintenant le temps d'agir. Nos efforts et nos réalisations à ce chapitre influeront sensiblement et directement sur la mesure dans laquelle les pays réussiront à obtenir des résultats concrets dans leur lutte contre la pauvreté. La Banque mondiale est bien placée pour assurer un leadership, en donnant l'exemple et en continuant d'insister sur le fait que les avantages d'une participation généralisée et du leadership des gouvernements l'emportent de loin sur les avantages d'objectifs de développement bilatéral et multilatéral et d'un profil national ou institutionnel.

L'expérience du Guyana est révélatrice. Le Président Bharrat Jagdeo a demandé instamment que les pays donateurs coordonnent leurs efforts et, à la suite de l'adoption des cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté, a prié la communauté internationale de s'engager à harmoniser ses efforts en matière d'aide au développement. Des progrès énormes pourraient être accomplis si tous les pays donateurs convenaient d'harmoniser leurs exigences en matière de présentation de rapports et leurs critères d'évaluation. Or, nous n'arrivons toujours pas à réaliser des progrès concrets. Les conseils d'administration de la Banque et du Fonds examineront cet automne le cadre stratégique provisoire de lutte contre la pauvreté du Guyana. Il est à espérer que tous les pays donateurs s'inspireront de ce cadre provisoire et du cadre définitif qui y fera suite pour concevoir leurs programmes et leurs projets ainsi que l'aide au développement au Guyana, comme le gouvernement de ce pays nous a mis au défi de faire. Cet exemple a un retentissement sur tous les pays en développement.

Lien entre les cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté et l'allégement de la dette

Lorsque nous nous sommes entendus, l'année dernière, sur une amélioration de l'Initiative d'aide aux pays pauvres très endettés, nous avons convenu de mettre les cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté au cœur du processus. Bien qu'il soit tout à fait convenable, ce lien a créé, de toute évidence, une opposition entre les visions et les stratégies pour un développement de qualité et l'octroi rapide d'une aide à la réduction de la dette. Les attentes continuent d'être élevées : 20 pays pourraient atteindre le point de décision d'ici la fin de la présente année. Toutefois, l'objectif premier du processus d'allégement de la dette n'est pas d'amener le plus grand nombre de pays possible au point de décision, mais bien d'assurer une aide à la réduction de la dette. Ce qu'il faut, c'est d'amener le plus grand nombre de pays possible au point de réalisation.

L'expérience nous démontre que l'établissement d'un cadre stratégique de lutte contre la pauvreté globale et d'application générale est extrêmement difficile et prend beaucoup de temps. L'Ouganda et le Burkina Faso, les deux premiers pays à établir des cadres stratégiques, ont amorcé le processus en 1997 et au milieu des années 1990 respectivement. Le Sénégal et Sao Tomé-et-Principe ont indiqué clairement qu'il leur faudrait peut-être plus d'un an pour établir un cadre stratégique entièrement axé sur la participation. Nous devons veiller à ce que nos attentes soient réalistes. Après tout, la tenue de vastes consultations globales dans le cadre du processus d'élaboration des politiques est un concept nouveau, même pour les pays industrialisés – il s'agit d'un tout nouveau secteur de la politique gouvernementale.

Le Canada, l'Irlande et les Caraïbes croient qu'il faut trouver des moyens d'être plus souples dans l'établissement de liens entre les cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté et l'allégement de la dette, surtout si un pays a réalisé d'importants progrès dans la mise en œuvre de saines politiques économiques et sociales. Les cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté devraient permettre de veiller à ce que les retombées de l'allégement de la dette soient canalisées vers des mesures de lutte contre la pauvreté et de promotion de la croissance. Ils ne devraient pas retarder l'admissibilité à de l'aide à la réduction de la dette ou rendre l'admissibilité plus difficile.

Initiative d'aide aux pays pauvres très endettés – Financement

Le financement de l'Initiative d'aide aux pays pauvres très endettés demeure un problème. Bien que des progrès aient été réalisés dernièrement, particulièrement en ce qui concerne la participation de la Banque interaméricaine de développement et de la Banque africaine de développement, les problèmes de financement persistent. Nous vous incitons tous à verser, en temps opportun, une contribution au fonds de fiducie des pays pauvres très endettés pour éviter de retarder l'octroi d'un allégement de la dette aux pays admissibles.

Jusqu'à maintenant, le fonds de fiducie a reçu des promesses de don et des contributions équivalant à près de 2,6 milliards de dollars américains. L'Irlande a honoré son ferme engagement de contribuer à alléger le fardeau de la dette externe des pays pauvres très endettés. Elle a versé 12,1 millions de livres en 1999 aux fonds de fiducie des PPTE du FMI et de la Banque mondiale, et elle s'est engagée à verser un montant supplémentaire de 2,9 millions de livres d'ici 2008. Le Canada s'est engagé à verser 215 millions de dollars canadiens aux fonds de fiducie pour l'allégement de la dette administrés par le FMI (65 millions de dollars canadiens) et la Banque mondiale (150 millions de dollars canadiens). Deuxième donateur en importance, le Canada a déjà versé 102 millions de dollars américains ou 18,5 % du total des contributions déjà versées aux fonds de fiducie.

Des progrès énormes ont été accomplis au chapitre de la conclusion d'une entente sur les modalités de participation de la Banque interaméricaine de développement et de la Banque de développement des Caraïbes. Les mesures prises pour trouver une solution dans le cas de la Banque africaine de développement sont également encourageantes. Nous reconnaissons le besoin de tenir compte des exigences des banques multilatérales de développement africaines de taille plus restreinte, et nous sommes disposés à participer pleinement aux discussions, comme nous l'avons fait en Amérique latine.

Par ailleurs, nous sommes conscients des défis qui persistent relativement à la participation des organismes bilatéraux qui ne sont pas membres du Club de Paris. Bien que nous invitions ces derniers à la table, nous reconnaissons la situation particulière dans laquelle se trouvent plusieurs pays créanciers à revenu faible ou moyen, notamment le Honduras et Trinité-et-Tobago. Dans le cas du Honduras, il faut éviter de donner d'une main et de prendre de l'autre. Nous sommes reconnaissants à Trinité-et-Tobago qui, malgré des problèmes internes, a participé pleinement à la première série de mesures d'allégement de la dette prises à l'égard du Guyana, même après lui avoir fourni une aide bilatérale directe importante en vue de la réduction de la dette à l'extérieur du cadre de l'Initiative d'aide aux PPTE. Le Guyana et le Nicaragua atteindront bientôt leur point de décision; il nous incombe donc de trouver une solution très rapidement.

La gouvernance dans un contexte mondial – Le rôle de la Banque mondiale dans l'architecture financière internationale

Un des principaux défis de la mondialisation consiste à assurer une saine gouvernance dans un contexte d'une intégration mondiale croissante. Si nous voulons vraiment aider les pays en développement à s'intégrer dans l'économie mondiale, nous devons faire en sorte que le régime de gouvernance dans un contexte mondial soit bien intégré et souple. L'ampleur des défis auxquels nous faisons face et la complexité de la gouvernance dans un contexte international soulèvent des questions fondamentales. Les institutions internationales forment-elles bel et bien un regroupement à efficacité optimale? Les institutions de Bretton Woods, les banques régionales de développement et les organismes des Nations Unies constituent les assises de la coopération internationale au chapitre du développement, mais ils ne sont pas seuls et n'abordent pas toute la multitude des questions relatives au développement nécessitant une véritable action multilatérale.

Bien que la vaste question du multilatéralisme ne soit pas à l'ordre du jour officiel à Prague, elle est essentielle à nos discussions. À mesure que les pays en développement prendront en charge leur développement en adoptant des stratégies globales et intégrées à long terme, leurs perspectives continueront de s'étendre au-delà de leurs frontières dans des secteurs d'intérêt international. De toute évidence, les décisions prises au sein des différentes tribunes internationales influent directement sur les possibilités et les perspectives des pays en développement. Nous devons veiller à ce que le système encourage et facilite la participation de tous les États, petits et grands, industrialisés et en développement. Le régime de gouvernance dans un contexte mondial doit être bien intégré et répondre aux besoins particuliers de chaque pays.

L'approche internationale visant à renforcer le secteur financier témoigne clairement de l'incidence de la mondialisation et de la gouvernance dans un contexte mondial sur un groupe particulier de pays. Quelques petits États, notamment ceux des Caraïbes, ont réussi à relever le défi de la diversification de leur économie en explorant les débouchés dans le secteur des services financiers, souvent à l'aide de la communauté internationale. En fait, le secteur des services financiers est devenu un élément important de l'économie de nombreux petits pays. Parallèlement, il existe de nombreux processus internationaux, dont les petits États sont exclus, qui examinent les pratiques, les normes et les règlements nationaux en matière de services financiers et de fiscalité. Il s'agit, entre autres, du Groupe d'action financière, du Forum sur la stabilité financière et de l'Organisation de coopération et de développement économiques. Le Canada et l'Irlande souscrivent entièrement aux objectifs de ces processus, soit d'encourager le respect des normes internationales, et participent directement à leur réalisation.

Les travaux de ces groupes soulèvent toutefois des questions délicates pour les pays États.

  • Comment les petits États, et plus particulièrement leurs centres financiers extraterritoriaux, peuvent-ils renforcer leurs régimes de surveillance et de réglementation pour tirer avantage en toute sécurité des possibilités qu'offre l'intégration accrue des marchés financiers mondiaux?
  • Quelles sont les options qui sont mises à la disposition de ces petits États pour leur permettre de diversifier leurs activités dans une économie mondiale concurrentielle?

Bien que les Caraïbes conviennent du besoin d'établir des normes pour le secteur financier qui soient acceptées à l'échelle internationale, elles ont soulevé des préoccupations au sujet des processus adoptés jusqu'à maintenant, en indiquant que ceux-ci n'étaient pas intégrés et qu'ils ne tenaient pas compte de la situation et des besoins de tous les pays touchés.

Étant donné leur étendue et leurs rôles fondamentaux, les institutions de Bretton Woods ont un rôle à jouer dans les travaux de suivi. Nous saluons l'initiative de collaboration avec les pays amorcée par le FMI, afin de s'assurer que les activités menées dans le cadre des systèmes financiers des différents États, tant à l'interne qu'à l'étranger, ne nuisent pas au système financier international. En collaboration avec l'ensemble des intervenants bilatéraux et internationaux, la Banque et le Fonds doivent chercher à aider tous les pays en développement à renforcer leur secteur financier. Nous devons aider les petits États à exploiter les possibilités en matière de développement, à diversifier leurs activités économiques et à améliorer leurs politiques et leurs règlements d'une manière conforme aux normes dont il a été convenu à l'échelle internationale.

En fin de compte, la criminalité financière, y compris le blanchiment d'argent et l'évasion fiscale, porte atteinte à la stabilité du système financier international. Ces problèmes ne sont pas propres aux petits États; tous les pays y font face. Il est donc essentiel d'élaborer et de mettre en œuvre des normes internationales et de faire un suivi de leur application.

Pour résoudre les problèmes qui touchent notre société mondiale, tâchons de trouver des solutions faisant appel à la coopération, là où les règles sont claires, connues et respectées par tous les membres et où les récompenses pour le respect des règles et les pénalités pour le non-respect ont également été acceptées par tous. Les leçons tirées à l'échelle nationale relativement à l'importance de la prise en charge de son destin s'appliquent tout aussi bien dans un contexte international. Il est essentiel que nous amenions tous les membres de la communauté internationale à participer activement à l'élaboration et à la mise en œuvre de lignes directrices, de normes et d'objectifs internationaux. Un vaste engagement à l'échelle internationale est indispensable si nous voulons que les pays membres se conforment pleinement et appliquent les règles. Le meilleur moyen de favoriser un tel engagement, et le seul moyen qui soit possible d'ailleurs, est de s'assurer que tous les pays, qu'ils soient industrialisés ou en développement, ont l'occasion de participer à la formulation des objectifs, des lignes directrices et des normes. Le succès du processus d'examen par les pairs est un bon exemple – son approche axée sur la participation favorise l'acceptation généralisée des résultats et la mise en œuvre durable des recommandations parce qu'elle est intégrée et met à contribution l'expérience diversifiée de tous les pays. Les pays participants ont pris le processus à leur compte et ont donc intérêt à ce qu'il soit couronné de succès. Il s'agit d'ailleurs du meilleur gage de succès en ce qui a trait à la réalisation de nos objectifs ultimes.

Petits États

Le printemps dernier, le Comité de développement a examiné un rapport préparé conjointement par la Banque mondiale et un groupe de travail du Secrétariat du Commonwealth sur les petits États et qui faisait état des défis et des possibilités des petits État. Nous avons appris que la réduction de l'aide officielle au développement, la taille restreinte des marchés intérieurs et l'ouverture au commerce international, ainsi que l'élimination en cours des préférences commerciales et de la vulnérabilité aux crises naturelles et économiques créent de véritables défis pour ces pays, qui cherchent à accroître leur participation à l'économie mondiale. Les ministres ont aussi examiné les plans de travail rédigés par diverses institutions internationales chargées du développement et du commerce en réponse au rapport du Groupe de travail. Nos rencontres à Prague nous donnent l'occasion de faire le point, d'approfondir notre compréhension des défis et des besoins des petits États et de continuer d'améliorer notre stratégie à l'égard de ce groupe particulier de pays. Nous devons faire en sorte que le processus continue sur sa lancée et que tous les partenaires maintiennent leur engagement. La coordination de la Banque mondiale est essentielle – elle doit affecter les ressources financières, humaines et organisationnelles nécessaires pour assurer l'efficacité.

Nous saluons les travaux réalisés jusqu'à maintenant sur l'atténuation des effets des catastrophes et l'assurance connexe ainsi que les mesures prises à l'échelle régionale sur la coordination des donateurs et l'organisation économique. Il reste toutefois d'importantes lacunes au chapitre des connaissances. Pouvons-nous dire avec confiance que l'ensemble des nouvelles connaissances en matière de développement s'applique à un petit État? La taille restreinte des marchés intérieurs soulève de véritables préoccupations concernant l'applicabilité des politiques standard. Comme nous le savons tous, les secteurs privé et public fonctionnent très différemment en l'absence d'une masse critique pour assurer la compétitivité. Il est essentiel de mieux comprendre la situation, les contraintes et la dynamique des marchés et des systèmes de production de taille restreinte pour pouvoir donner des conseils en matière économique, que ce soit sur le plan sectoriel, structurel ou macroéconomique. Pour pouvoir élaborer une approche pertinente à la diversification de la production, il faut absolument aborder ces questions relatives à l'offre. En outre, dans le cadre de ses travaux sur la gouvernance, la Banque devrait examiner comment les théories traditionnelles de gestion et d'organisation du secteur public s'appliquent dans le cas d'un petit État. Quelle est la taille appropriée de l'administration publique dans un petit État?

Comment les organisations régionales peuvent-elles être structurées pour favoriser le mieux possible l'épanouissement de petits gouvernements nationaux et leurs activités? Ce genre de travaux analytiques doit également permettre l'élaboration par la Banque mondiale d'une stratégie explicite et appropriée d'aide aux petits États.

À titre de banque de connaissances, la Banque mondiale est bien placée pour diriger et coordonner la rédaction d'écrits toujours plus nombreux sur les petits États, et y contribuer. Après tout, ce sont la Banque mondiale et le FMI qui évalueront les stratégies de lutte contre la pauvreté à long terme conçues par et pour les petits États en développement. Si ces institutions veulent fournir des conseils fiables et pertinents, elles doivent absolument effectuer des analyses supplémentaires de la dynamique des marchés dans les petits États. Il s'agit d'un défi tout à fait conforme au mandat de la Banque mondiale, soit d'offrir des solutions adaptées aux besoins particuliers des pays.

Il incombe également à la Banque mondiale de veiller à ce que ses politiques tiennent compte des réalités économiques et sociales de chaque pays membre en développement. Au cours de la dernière année, nous avons collaboré avec la Banque mondiale afin de nous assurer que les petits États soient mentionnés dans ses principales publications, comme le Rapport sur le développement dans le monde, Global Economic Prospects et les examens des politiques sectorielles. Toutefois, la Banque mondiale vient à peine d'amorcer des changements à la façon qu'elle aborde cette responsabilité. La situation et les besoins des petits États ainsi que les défis auxquels ils font face doivent être intégrés dans la politique globale de la Banque mondiale ainsi que dans ses travaux opérationnels.

Réduction de la pauvreté et biens publics mondiaux

Alors qu'il est essentiel pour la Banque mondiale d'examiner la situation particulière de chaque pays, examen qui est au cœur même de ses activités, elle a également un rôle critique à jouer à l'échelle mondiale. Les défis et les possibilités créés par la mondialisation, la croissance, la réduction de la pauvreté, le contrôle des pandémies et la protection de l'environnement sont des questions qui transcendent les frontières nationales. Les problèmes d'intérêt mondial, auxquels on peut apporter une solution efficace grâce à une action collective, peuvent influer sur les perspectives en matière de développement. La gestion judicieuse des biens publics mondiaux est une responsabilité collective que partagent tous les gouvernements, les institutions internationales et régionales et les organismes de la société civile. Pour être couronnée de succès, l'action collective doit être menée dans un véritable esprit de partenariat.

Lorsqu'elle examine son rôle dans le domaine en évolution rapide des biens publics mondiaux, la Banque mondiale doit faire des choix difficiles. Il lui incombe de fonder ses décisions sur des principes directeurs clairs et des considérations pratiques, qu'elle doit savoir communiquer à ses partenaires et au grand public. Ce faisant, la Banque mondiale doit s'assurer que les autres intervenants dans le système international tiennent à sa participation et que cette dernière est constructive. En règle générale, dans le domaine des biens publics mondiaux, la Banque devrait chercher les occasions de promouvoir les dossiers prioritaires qui :

  • contribuent aux efforts déployés à l'échelle mondiale pour réduire la pauvreté, en tenant compte tout particulièrement des objectifs en matière de développement et de la situation particulière de chaque pays;
  • misent sur son propre capital intellectuel de réputation mondiale et sur son expérience générale dans le domaine de l'aide au développement;
  • mettent l'accent sur des résultats donnés visibles et significatifs sur le plan stratégique et qui contribuent à accroître le bien-être des membres les plus pauvres de la société et à améliorer la qualité de vie et les possibilités dans les pays les plus pauvres.

Le développement social constitue un volet très important du domaine en expansion des biens publics mondiaux. Il englobe l'éducation de base, la santé et la nutrition, le VIH/SIDA, l'immunisation, la protection environnementale, les ressources en eau et, plus récemment, le partage à l'échelle mondiale de l'information, des connaissances et de la technologie ainsi que l'accès à ces ressources. À l'aube de ce nouveau millénaire, la Banque mondiale ainsi que les Nations Unies, les organismes régionaux et bilatéraux de développement et des coalitions de citoyens partout dans le monde ont renouvelé leur engagement à l'égard de ces défis mondiaux en matière de développement social.

La Banque mondiale a récemment témoigné de ce leadership et de son ouverture en approuvant une aide de 500 millions de dollars américains pour la première phase d'un programme de lutte contre le VIH/SIDA visant plusieurs pays d'Afrique. Conformément aux principes clés du Cadre de développement intégré, notamment celui du partenariat, la Banque mondiale a également promis de fournir une aide supplémentaire de 85 à 100 millions de dollars à la lutte contre le VIH/SIDA dans les Caraïbes. Elle s'est également engagée à tabler sur le plan d'action stratégique régional de la communauté des Caraïbes pour le VIH/SIDA et à l'appuyer.

L'Irlande et le Canada jouent également des rôles clés en matière d'aide bilatérale au développement. En janvier dernier, l'Irlande a lancé sa nouvelle stratégie de lutte contre le VIH/SIDA, qui se concentrera en grande partie sur les pays partenaires en Afrique auxquels elle accorde la priorité. Bon nombre de ces pays sont les mêmes que ceux visés par le programme d'aide régionale de la Banque mondiale. Au Canada, ma collègue, la ministre de la Coopération internationale, a annoncé ce mois-ci le lancement du Cadre d'action en matière de développement social de l'Agence canadienne de développement international (ACDI), qui bonifiera les sommes accordées pour la santé, la protection des enfants et le VIH/SIDA ainsi que la nutrition et l'éducation. L'ACDI consacrera plus de 250 millions de dollars canadiens à la lutte contre le VIH/SIDA au cours des 5 prochaines années. Les pays d'Afrique les plus touchés sont la priorité, et l'ACDI continuera de collaborer avec des partenaires locaux, la Banque mondiale et d'autres organismes de développement.

Dans le domaine des biens publics mondiaux, l'établissement de partenariats est essentiel. Le Canada souscrit à ce nouvel esprit de partenariat comme en témoigne l'appui qu'il accorde à des initiatives internationales, comme « Faire reculer le paludisme », un projet parrainé conjointement par les Nations Unies et la Banque mondiale, « Halte à la tuberculose » et « Global Alliance for Vaccines and Immunization ».

Toujours dans le domaine des biens publics mondiaux, le commerce et le développement constituent un second secteur d'importance pour la Banque, qui a toute latitude pour jouer un rôle proactif accru en collaboration avec l'Organisation mondiale du commerce. Les cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté permettent à la Banque de s'engager dans un dialogue beaucoup plus vaste et intégré avec les pays emprunteurs sur leurs problèmes et leurs défis particuliers en matière de développement. Un dialogue plus poussé sur le commerce, y compris sur la capacité du pays, permet d'accroître sensiblement les perspectives de croissance et de réduction de la pauvreté dans les pays en développement. Toutefois, il ne faut pas faire abstraction du rôle des pays en développement dans l'accroissement des échanges commerciaux. Le commerce doit se faire dans les deux sens. Autrement, l'efficacité de l'Initiative d'aide aux PPTE sera limitée. De toute évidence, l'attention que porte la Banque à la situation particulière de chaque pays permet la prise de mesures intégrées plus fermes dans le domaine des biens publics mondiaux.

Conclusion

Nous vivons la transformation économique la plus importante de notre époque. La révolution de l'information a servi de préface, mais nous sommes encore au début de l'histoire. Nous devons nous assurer que tous les pays, petits et grands, industrialisés et en développement, ont la capacité et l'occasion de participer à la rédaction de cette histoire, de bâtir une prospérité encore plus grande que tous peuvent partager. Tant que certains pays seront exclus du processus, nous limiterons les possibilités de tous et chacun, et nous risquerons de voir s'échapper les gains déjà réalisés.

Le moment est venu de donner à chaque enfant un bon départ dans la vie, c'est-à-dire l'accès à de la nourriture, à des vêtements, à un logement, à une éducation et à des soins de santé. Le moment est aussi venu de donner à chaque travailleur et travailleuse les compétences et les outils dont ils ont besoin pour réussir et à chaque jeune entrepreneur, les ressources nécessaires pour réaliser ses rêves. Tel est donc le défi qui nous est lancé. Ensemble, nous parviendrons à le relever.


Dernière mise à jour :  2003-01-13 Haut

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